Élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, le chef de l’État Macky Sall avait annoncé le lundi 3 juillet 2023 ne pas être candidat pour la présidentielle 2024. Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, le président sortant n’est pas candidat à sa propre succession. Mais, malgré cela, le chef suprême des armées ne compte pas quitter le fauteuil de la présidence.
Attendu que la loi repoussant le scrutin initialement prévu le 25 février au 15 décembre 2024 a finalement été adoptée dans la nuit de lundi 5 à mardi 6 février, à la quasi-unanimité, par 105 voix pour et une voix contre, après que les députés de l’opposition, qui faisaient obstruction au vote, ont été évacués manu militari par la gendarmerie. Donc, le président, Macky Sall, restera dans ses fonctions jusqu’à l’installation de son successeur. Ce qui pousse certains à se poser la question à savoir ce qui se cache derrière la volonté farouche de Macky Sall de rester au pouvoir.
Le texte, présenté par Karim Wade dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel, est soutenu par celui du président, Macky Sall, qui avait annoncé samedi le report du scrutin. Cette décision a été prise pour, selon le président Sall, « éviter une instabilité institutionnelle et des troubles politiques graves », et mener « une reprise complète du processus électoral ». Le report est donc acté hier par la majorité des parlementaires à l’Assemblée nationale. Dès lors, il reste au président Macky Sall près de 10 mois au pouvoir. Et, cet entêtement de vouloir rester à la tête du pays est selon une source proche du pouvoir lié aux « nombreux détournements liés à ses proches ».
Pour éviter l’humiliation…
En effet, en matière de détournements, il y a toujours des traçabilités dans la comptabilité publique. Si aujourd’hui, avouent des indiscrétions, « l’on est conscient que, compte tenu de toutes ces magouilles là, l’on peut être accusé de haute trahison. C’est le cas aujourd’hui. Ce qui voudrait dire que si Macky Sall quitte son statut de président, il va non seulement se retrouver en prison, mais sa femme, son fils et ses sympathisants ne seront pas en reste. Ce sera la honte, l’humiliation ».
Et, rappelez-vous, dixit-elle, « lors d’un discours, Macky Sall disait que les Peulhs « torodo », cette lignée de « Sall Ngary », préfère mourir que de perdre la face. Maintenant, nous sommes dans une situation de quitte ou double. Il met le pays en feu et il pourra par la suite obtenir des refuges par rapport à certains présidents qui sont des alliés. Parce que la plus grande crainte du président Macky Sall, c’est le fait d’aller en prison. Par rapport à Me Abdoulaye Wade, Macky Sall n’est jamais passé en prison. Ce n’est pas quelqu’un qui connaît le milieu carcéral. Vu qu’il y a tellement de deals, tellement de malversations, tellement de magouilles, tellement de forfaitures qu’il peut être poursuivi. La seule chose qu’il peut faire est de créer une situation de chaos et prendre refuge dans des pays comme le Maroc ou d’autres pays africains ».
Un autre coup de force…
En parallèle, Assane Samb de son côté fustige « l’excès de pouvoir du président Macky Sall ». Pour l’analyste politique, « le chef de l’État a transcendé ses prérogatives. Ce qu’il a fait me semble être illégal, c’est un coup de force. Ils parlent de crises institutionnelles mais il n’y en a pas. Ce n’est pas parce qu’un parti a demandé au parlement de revoir le travail du Conseil constitutionnel et qu’une commission d’enquête parlementaire a été mise en place qu’il y a une crise constitutionnelle ».
En réalité, l’analyste politique expose le fait que si le pouvoir ne l’avait pas voulu, la commission d’enquête parlementaire n’aurait pas été mise en place. Le PDS à lui seul ne pouvait pas le faire. Donc, dès le départ, Macky Sall était dans la combine allant dans le sens de créer une crise institutionnelle. Celle-ci a été créée et maintenant, on la prend comme un justificatif afin de reporter l’élection présidentielle de février 2024. Alors que nous savons que ni l’exécutif, ni le législatif ne peuvent remettre en question le travail du Conseil constitutionnel puisqu’il y a la séparation des pouvoirs.
La candidature de Bassirou Diomaye Faye…
Donc, certifie Assane Samb, « le chef de l’État a usé de subterfuges pour pouvoir proroger son mandat et ce qui semble avoir dérangé, c’est la candidature de Diomaye Faye. Autant, sur le fait que son candidat Amadou Ba, face à une contestation interne, ne fait pas le poids. Et c’est là où le président s’est dit qu’il ne va pas laisser la situation trop risquée pour lui et partir. Donc, le calcul a été clair, Macky Sall et ses alliés ont mis en branle un scénario qui permet de plonger le pays dans une crise institutionnelle, mais en réalité il a plongé le pays dans une crise politique, avec ses risques d’instabilités ».
Un fait inédit dans l’histoire politique du pays que le chef de l’État justifie par le souci d’éviter « une nouvelle crise ». Une décision qui soulève plusieurs questions. Mais ce qui est sûr, assure la source de SeneNews tapis sous l’anonymat, « la période qui sera la plus difficile sera entre le mois d’avril et le mois de juillet, là où tout va se jouer. Parce que tout simplement il y a des gens qui sont dans ce pays et qui ne vont pas rester les bras croisés. Et le chef de l’État est conscient de ces enjeux-là, parce que c’est la personne qui reçoit plus de rapports par rapport à des éventualités. Et c’est comme cela qu’il a su que même au 5e tour, son candidat Amadou Ba ne va pas passer. Étant donné qu’il ne peut pas bloquer toutes les candidatures, il va en accepter certains avant de créer une situation chaotique qui a fini par le report des élections ».
Passer par l’article 28 pour contourner le deal…
En outre, mis à part la décision de la commission d’enquête parlementaire, une manipulation manifeste des articles de la Constitution est mise en avant. La preuve, le samedi dernier, lors de sa sortie, le président Macky Sall avait justifié sa décision en évoquant l’article 28 de la Constitution qui dispose que « tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise ». Mais certains observateurs ont affirmé avec certitude que Macky Sall a nuancé avec l’article 52.
Or, pour Assane Samb, « Macky Sall devait directement évoquer l’article 52 mais il ne l’a pas fait, peut-être par pudeur. Parce que l’article 52 lui aurait permis de s’arroger des pouvoirs spéciaux et de pouvoir agir sans le parlement. Clairement, le chef de l’État a voulu être beaucoup plus subtil en passant par l’Assemblée nationale pour montrer à la communauté internationale qu’un opposant (Karim Wade) a fait une proposition de loi et que c’est l’Assemblée qui a voté le prolongement. Et donc là, il n’est nullement inquiété puisque c’est sa majorité avec le PDS qui vont voter cette loi. Et il y a un habillage juridique avec un semblant de légalité alors que tout le monde sait que c’est un coup de force ».