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Comme annoncé, hier, lundi, le député Thierno Alassane Sall a déposé, ce mardi 18 février 2025, une proposition de loi portant abrogation de la loi d’Amnistie.
Voici l’Exposé des motifs !
« L’Assemblée nationale avait adopté le 6 mars 2024 une loi amnistiant « de plein droit, tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous les supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non ».
Cette loi d’amnistie venait ainsi mettre le voile sur une période sombre de notre histoire récente marquée notamment par des actes de violence, de torture et des blessures subies par de nombreuses personnes dont certaines en ont gardé des séquelles lourdes, ainsi que la perte de vies humaines concernant près d’une centaine de personnes dont les familles réclament justice en vain.
Sans être nécessaire, cette loi d’amnistie constitue, à n’en point douter, une négation de l’État de droit et du principe élémentaire qui voudrait que les décideurs publics, représentants du peuple souverain, puissent rendre compte de toute leur gestion. Il s’agit de la part des instigateurs d’une manipulation du droit leur permettant de se soustraire de cette obligation en se substituant, par effraction, au véritable souverain. À cet égard, la loi d’amnistie de 2024 symbolise un abus manifeste du mandat conféré par le peuple sénégalais.
L’amnistie constitue en outre une violation du droit international s’appliquant à l’État du Sénégal, notamment la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants entrée en vigueur le 26 juin 1987 et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
Dans son arrêt Sidi Amar Ibrahim et autres contre La République du Niger rendu le 9 février 2011 (n° ECW/CCJ/JUD/0I/14), la Cour de Justice de la CEDEAO rappelait que « la doctrine et la jurisprudence internationales […] admettent exceptionnellement que pour les violations graves et massives des droits fondamentaux de l’homme, tels que consacrés par la coutume internationale et les instruments pertinents des droits de homme, retenir application de la loi d’amnistie équivaut à supprimer le droit à un recours effectif devant les tribunaux compétents ». En l’espèce, la Cour avait écarté l’application de cette doctrine et cette jurisprudence au motif que les violations graves des droits fondamentaux en question n’étaient pas massives, tout le contraire de ce qui s’est passé au Sénégal entre 2021 et 2024.
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi qui vous est soumise a pour objet d’abroger cette amnistie afin que la justice puisse effectuer son travail sans obstacle sur les faits graves commis dans la période couverte par la loi d’amnistie de 2024. Les objections juridiques mineures souvent soulevées contre une éventuelle abrogation de l’amnistie ne peuvent pas résister à une volonté ferme de l’Assemblée nationale, agissant au nom du peuple souverain qui réclame justice.
L’effacement des faits couverts par l’amnistie n’est qu’une simple fiction juridique. Cette proposition de loi vise à les restaurer fictivement en abrogeant l’amnistie de 2024.
Compte tenu de tout cela, nous avons l’honneur de soumettre à l’Assemblée nationale la proposition de loi dont la teneur suit :
Article unique : La loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie est abrogée.«