Tivaouane met en garde contre les mondanités et les excès

28 août 2025

Ce samedi 23 août 2025, dans la cité sacrée de Tivaouane-La-Sainte, capitale de la Tijaniyya, les préparatifs en vue du Mawloud-Al-Nabi, qui célèbre la naissance du Prophète Mohammed (Paix et salut sur lui), avancent à grands pas. Cette année, la célébration est fixée au 5 septembre et se déploie autour du thème: «Célébrer le Mawlid pour une société solidaire et unie». Le message du Khalife général des Tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, a été transmis lors du traditionnel point de presse qui marque l’acte «1» inscrit dans le cadre du Gamou. L’occasion a aussi permis au coordonnateur de la Cellule Zawiya Tijaniyya (Cezat), Serigne Abdoul Hamid Sy Al Amine, d’examiner en détail les modalités d’organisation et de revenir sur le programme d’animation scientifique et culturelle. Les autorités religieuses de Tivaouane ont réaffirmé l’orthodoxie du Gamou et délivré un message fort aux millions de talibés qui afflueront vers la ville sainte dès l’ouverture des sessions de Buurd, prévues en début de semaine.

Cette conférence de presse annuelle, qui chaque année annonce le dispositif organisationnel et communicationnel que le comité d’organisation et la Cellule Zawiya Tijaniyya partagent avec l’ensemble des fidèles, au nom et sous l’autorité du Khalife général des Tidianes, a offert le cadre pour diffuser le message de Serigne Babacar Sy Mansour. Destiné à la communauté musulmane du Sénégal, aux disciples de la Tijaniyya ici et ailleurs, ainsi qu’aux plus hautes autorités de l’État, ce message a été transmis par le Khalife, par la voix de Serigne Habib Sy Mansour, Sérigne Moustapha Sy Al Amine, responsable moral du Coskas, et par le coordonnateur de la cellule de communication, Serigne Abdoul Hamid Sy Al Amine. Il a instruit le comité d’organisation de retenir comme thème de cette édition: «Célébrer le Mawlid pour une société plus cohésive». Le choix de ce thème, selon ses représentants, découle d’un constat alarmant d’une «société humaine fracturée, où le vivre-ensemble et la coexistence pacifique des communautés se trouvent en péril».
Partout, s’indigne le khalife — de Gaza à Jérusalem, de Moscou à Kiev, d’Islamabad à Bombay, en passant par le Soudan et la RDC — que des hommes et des femmes partageant les mêmes origines et les mêmes valeurs, et parfois les mêmes espaces, s’empoignent ou s’entre-déchirent. Ils négligent l’immense richesse qui les unit pour ne voir que le petit filon, parfois artificiel, qui les sépare, foulant au passage les principes sacrés de la fraternité humaine. Et pourtant, rappelle le marabout, le Coran nous invite à dépasser nos différences et à apprendre les uns des autres.

En notre pays, constate amèrement le Khalife des Tidianes, «la situation, même si elle n’est pas plus catastrophique que d’autres, n’est pas plus reluisante pour autant». L’intolérance, les insultes et les invectives, l’animosité et la violence s’installent et se banalisent. Les valeurs fondamentales qui ont toujours été source de notre fierté se révèlent désormais comme des anachronismes: l’hospitalité, la solidarité familiale, le respect mutuel et les liens de proximité semblent avoir disparu des rapports sociaux. Il considère que «l’avènement des réseaux sociaux — qu’on aurait dû appeler les réseaux à-sociaux — exploite les mal-êtres des générations récentes, perdues dans les méandres du désespoir parce qu’elles manquent d’orientation et de guidance morale et spirituelle» et qu’ils ont fini par transformer la bonne volonté collective d’une vie en commun en un réflexe d’animosité et de dédain envers autrui.
Face à ce tableau, comment, s’interroge-t-il, sauver cette génération sinon en l’attirant vers les enseignements du Prophète-guide (Paix et salut sur lui), en la ramenant à la source, et en l’enracinant dans les valeurs fondatrices de l’humanité telle qu’elle a été perpétuée et qu’elle se perpétera jusqu’à la fin des temps? Selon Serigne Babacar Sy Mansour, le Mawlid tel qu’il est célébré cette année — qui coïncide avec le 1500ème anniversaire du Meilleur des hommes, Seydina Muhammad (Psl) — doit être placé sous le signe de la cohésion sociale et de l’unité retrouvée de la Nation sénégalaise.

Il appelle, en conséquence, à la bienveillance, à la vigilance et à l’exhortation des chefs religieux auprès de leurs fidèles. Il incite à la responsabilité et à la modération des acteurs politiques afin de pacifier davantage le champ politique. Il plaide pour la réconciliation des cœurs et des esprits des citoyens, quelles que soient leurs appartenances, afin de faire de ce pays une nation tolérante et résolument engagée dans l’unité de tous ses fils et filles, afin de bâtir un avenir meilleur, en s’agrippant fermement à la corde de Dieu.

Cependant, précise le fils de Al Amine, l’on se doit aussi d’insister sur la première dimension de cette thématique: «Comment devons-nous célébrer le Mawlid?» Faut-il le faire en convoquant tout ce que Mawlana Cheikh El Hadji Malick Sy met en garde contre les pièges et les dérives associées à la commémoration de la Nativité du Prophète? Les marabouts de Tivaouane rappellent qu’il existe bien une manière de reproduire le modèle prophétique. Et c’est précisément vers cela que Serigne Babacar Sy Mansour invite tous les fidèles qui se rendront à Tivaouane dans les prochains jours: purifier les intentions, revenir à Dieu et multiplier les actes d’adoration ainsi que les prières sur le Prophète (Psl). Selon eux, venir à Tivaouane pour cette occasion équivaut à un acte de pèlerinage. Rien ne doit s’éloigner de la voie de la grâce, celle qui ouvre l’intercession: ni excès, ni extravagance, ni mondanité, ni démonstrations ostentatoires. Rien de tout cela ne ressemble au Prophète (Psl), et rien de tout cela ne ressemble au Mawlaya Cheikh El Hadji Malick.
Une manière pour la capitale de la Tijaniyya d’affirmer que toute la programmation scientifique et culturelle du Mawlid va s’organiser autour de la reproduction du modèle prophétique, en suivant les enseignements de Cheikh El Hadj Malick Sy et de ses muqaddams — des figures accomplies de sagesse et de sainteté — toutes façonnées par la rigueur intellectuelle de son université populaire, son séminaire mythique de Njarndé, qui a accueilli, pendant sept années (de 1895 à 1902), des centaines d’étudiants motivés par la soif du savoir, le désir d’une direction spirituelle saine et la volonté de transformer la société par le travail partagé (jang-julli bay : ja-ju-ba).