Sénégal : lequel des deux pétroles est le plus rentable à court terme ?

20 octobre 2025

Le Sénégal trace les contours de son avenir énergétique avec une ambition légitime et palpable. Toutefois, en poursuivant l’essor du pétrole fossile, nous avons parfois oublié que nous bénéficions déjà d’un autre gisement, dont la rentabilité est immédiate et les coûts d’investissement quasi nulles: notre patrimoine culturel. C’est notre « pétrole immatériel ». Il n’exige ni forage ni oléoduc, ses réserves semblent inépuisables et il produit des résultats concrets. C’est une énergie symbolique, économique et sociale qui peut irriguer notre développement dès aujourd’hui.

Les faits récents montrent que les ressources naturelles seules ne suffisent pas à garantir la prospérité. Ce sont l’intelligence, la culture et l’éducation qui édifient les grandes nations. L’Asie l’a démontré de manière éclatante. L’Afrique peut s’en inspirer pour bâtir une nouvelle conscience qui conjugue richesses naturelles et richesses culturelles, afin d’accroître sa résilience et d’élargir ses prestations dans un commerce mondial qui est à la fois matériel et immatériel.

La construction d’une « Marque Pays » forte ne saurait se limiter à nos ressources souterraines. Elle doit s’incarner dans ce qui nous rend uniques: notre culture, notre créativité, notre sens de l’accueil. C’est un projet global qui exige de l’audace et, par-dessus tout, une stratégie réfléchie.

Face à l’urgence, le Premier ministre a lui-même tracé une ligne directrice en appelant son gouvernement à privilégier des « projets catalytiques à résultats rapides ». La question n’est plus de savoir s’il faut agir, mais où agir de manière intelligente. Où l’investissement sera-t-il le plus rentable pour la « Marque Sénégal » aujourd’hui ? La réponse est claire: dans la culture. Un grand événement culturel international, conçu et exécuté en quelques jours, peut produire un retentissement médiatique mondial, nourrir l’économie réelle et renforcer notre image, bien plus rapidement que n’importe quel projet industriel. Le Maroc a fait de ses festivals et de son artisanat un levier clé d’attractivité touristique; le Bénin suit ce même chemin. Le Sénégal dispose d’un patrimoine tout aussi puissant, encore brut. À nous de le transformer en valeur ajoutée mondiale.

Le gouvernement a d’ailleurs lié la réussite de notre ambition touristique à la mise en valeur du patrimoine. Mais comment opérer cette valorisation ? Notre patrimoine brut — nos traditions, nos danses, nos savoir-faire — est notre pétrole non raffiné. Les festivals en sont les raffineries. Ils prennent cette matière première, nos traditions et nos talents, et les transforment en spectacles exportables qui dynamisent le tourisme, créent des emplois et renforcent notre image. Un festival n’est pas une dépense: c’est une usine qui produit de l’attractivité. Dans l’économie mondiale de l’attention, un événement bien conçu peut générer en quelques jours un effet que des projets industriels mettent des années à accomplir.

C’est pourquoi la lucidité et le pragmatisme du Premier ministre ne peuvent que nous réjouir, nous organisateurs d’événements internationaux dédiés à la promotion du patrimoine, car la culture répond exactement à cette exigence. Toutefois, dans le contexte économique actuel, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre. Les Jeux Olympiques de la Jeunesse 2026 représentent une opportunité historique, mais ils ne doivent pas être l’unique sommet: ils doivent constituer l’apogée d’une série de réussites.

Le plan stratégique est clair: le Sénégal devrait immédiatement exploiter la vague des succès récents—à l’image du forum « Invest in Senegal »—et enchaîner avec d’autres réussites, JOJ 2026 en ligne de mire. Cela signifie que chaque grand événement prévu pour la fin de 2025 serve de tremplin, de bande-annonce préparant le terrain, testant notre organisation et offrant au monde un avant-goût de ce que le Sénégal peut proposer.

Parce qu’une marque-pays qui réussit naît d’un effort collectif impliquant les acteurs et les institutions, investir dans nos festivals et dans nos initiatives culturelles revient à miser sur le projet le plus rentable, le plus visible et le plus durable pour la « Marque Sénégal ». C’est transformer notre pétrole immatériel en moteur de développement et offrir au monde une vitrine de créativité, d’hospitalité et d’excellence.

En définitive, la réussite de cette vision repose sur une mobilisation générale et une mise en œuvre coordonnée des ressources culturelles et économiques, afin de faire de la culture un levier partagé de développement et de rayonnement.