Sur le plan politique, l’année 2023 a commencé comme avait terminé 2022, sa défunte sœur. La question de l’éventuelle troisième candidature de Macky Sall et les procès contre Ousmane Sonko ont marqué l’année finissante. Une année préélectorale particulièrement mouvementée et qui a plongé le pays dans des jours sombres où la violence a régné en maitre par moments.
Rien de ce qu’il s’est passé en 2023, sur le plan politique, n’a été imprévisible. La tension politique qui a accompagné les derniers mois et jours de 2022 s’est accentuée alors que l’élection présidentielle se dessinait. Pour le scrutin du 25 février 2024, les acteurs ne se sont pas faits de cadeaux: il faut venir à bout de l’adversaire par touts les moyens, peu importe leur légalité ou léthalité. Des dizaines de cadres du Pastef vont faire l’expérience de la prison (Bassirou Diomaye Faye, El Malick Ndiaye, Birame Soulèye Diop, etc) ainsi que des milliers de militants. Mais le plus flagrant cas reste celui de leur leader, Ousmane Sonko.
Sonko et Mame Mbaye Niang, une affaire de diffamation pour une visée électorale
Des manifestations politiques particulièrement violentes ont rendu plus délétère un climat de tension déjà grandissante. Le principal opposant de Macky Sall, Ousmane Sonko, se trouve dans le feu d’actions judiciaires intentées contre lui. Dès le 2 février, il est appelé à faire face à Mame Mbaye Niang dans le cadre de l’affaire du Prodac où le ministre l’accuse de diffamation. Il refuse de répondre à la convocation sous prétexte qu’il n’a pas reçu de notification. Finalement, le procès est fixé le 16 février. Mais cette date va entamer à jamais l’image de la démocratie sénégalaise puisque, sur le chemin de son retour du tribunal, M. Sonko a été extirpé de force par les éléments de la Bip après qu’ils ont cassé une vitre de sa voiture pour l’amener chez lui avec leurs propres voitures.
Cette affaire judiciaire a été conçue comme un complot par l’actuel maire de Ziguinchor. Sans ses avocats qui ont boudé l’audience à cause du refoulement de leur confrère Juan Branco, Ousmane Sonko, lui-même absent du procès, apprend le verdict rendu le 30 mars en même temps que les autres Il écope d’une peine de deux mois de prison avec sursis assortie de 200 millions de francs Cfa de dommages et intérêts. Une peine qui sera corsée lors du jugement en appel tenu le 8 mai, en relevant la peine à six mois avec sursis. Cette fois-ci, l’éligibilité d’Ousmane Soko, qui a encore brillé par son absence en application de sa politique de désobéissance civique, est presque actée.
Sonko contre Adji Sarr, la masseuse qui porte l’estocade
Alors que ses avocats se pourvoient en cassation, Ousmane Sonko est encore attrait à la barre. Cette fois-ci, c’est l’affaire Adji Sarr, du nom de cette masseuse qui prétend avoir été violée de façon répétée. Depuis février 2021, ce dossier a provoqué une tension vive au Sénégal avec plus d’une trentaine de morts directement provoquée. Pourtant cette affaire, aussi mortifère qu’elle a été, n’accouchera finalement que d’une petite souris. A Ziguinchor, le bilan sera particulièrement lourd avec en face des éléments de sécurité des jeunes qui ont installé des barricades pour assurer l’inaccessibilité de leur leader. Des morts et des blessés, des scènes de violence inouïe, la mobilisation des femmes du « Bois Sacré », le tableau est sombre et difficile à représenter.
Jugé en contumace le 1er juin, en même temps que la propriétaire du salon de beauté, Ndéye Khady Ndiaye, l’opposant a été reconnu coupable « de corruption de la jeunesse » mais acquitté des faits de viol dont il était accusé. Une qualification des faits qui en a surpris plus d’un et qui convainquent encore que la peine de deux ans de prison ferme infligée à Sonko, jugé en contumace dans une audience encore boudée par ses avocats et ceux de sa co-accusée, ne visent qu’à le rendre inéligible. La violence qui en découle sera sans nom, 1- morts dénombrés, des stations d’essence et boutiques Auchan brûlés, l’université de Dakar saccagée, etc.
Contestations, barricades, emprisonnement, et dissolution de son parti: toutes les voies bouchées
Parallèlement à son procès, Ousmane Sonko a vu son domicile barricadé par les forces de défense et de sécurité pendant deux mois. Entre mai et juillet, le leader de Pastef est confiné chez lui, il ne retrouve sa liberté de mouvement que le 24 juillet. Celle-ci sera d’une courte durée puisque l’opposant sera interpellé le vendredi 28 juillet et envoyé en prison. Cette décision des autorités politiques ou judiciaires fait monter la tension avec des manifestations violentes partout au Sénégal, notamment à Ziguinchor et Dakar. Mais le déploiement de la force et la coupure de l’internet, comme ce fut le cas lors de manifestations de juin, vont contribuer à calmer la situation même si la présumée attaque au cocktail molotov d’un car faisant trois morts et des blessés à Dakar viendra précipiter la dissolution du Pastef, le 31 juillet.
Macky Sall: le renoncement de la troisième candidature et les repositionnements pour le scrutin
Alors qu’il était pressenti de faire du forcing pour un troisième mandat, le président Sall a surpris son monde, même ceux qui lui sont proches. En pleine tension politico-judiciaire, le patron de l’Alliance de la République décide, en toute responsabilité et contrairement à l’avis radical des faucons du palais, de « renoncer » à une troisième candidature. L’adresse à la nation du 3 juillet 2023 fera date, elle permet surtout au concerné d’éviter une tension plus vive. Une élimination de Sonko et une participation de Sall auraient été insupportable pour le pays.
A coté de cette décision, d’autres non moins importantes ont marqué l’année finissante. Il s’agit du choix d’Amadou Ba comme dauphin du parti présidentiel, de la remise dans le jeu de Khalifa Sall et Karim Wade après le dialogue politique, le départ d’Idrissa Seck de la coalition présidentielle, la dissidence des anciens proches de Sall tels qu’Aly Ngouille Ndiaye, Mahammad Dionne, Mame Boye Diaw, etc.