Projection du documentaire « Ejo Tey… » au Musée des Civilisations : exploration des deux facettes du Rwanda

8 juillet 2025

Le documentaire intitulé Ejo Tey, Téranga au pays des mille collines, réalisé par le cinéaste sénégalais Papa Alioune Dieng, met en lumière les deux facettes du Rwanda. Ce pays d’Afrique centrale, aujourd’hui souvent citée en exemple pour son progrès et sa vitalité, révèle également ses cicatrices et son histoire douloureuse, notamment celle du génocide des Tutsis qui a secoué la nation il y a maintenant plus de trois décennies. Avec une durée de 90 minutes, le film a été présenté mercredi dernier au Musée des civilisations noires de Dakar, devant un auditoire composé d’anciens ministres, de professeurs d’université, ainsi que de diverses personnalités issues du monde culturel. À travers cette œuvre, l’auteur évoque en filigrane la relation étroite qui unit le Sénégal et le Rwanda, une amitié qui remonte à la fin des années 1960 avec l’arrivée de nombreux étudiants rwandais à Dakar pour poursuivre leurs études. Ces liens de longue date restent aujourd’hui encore très vivants, notamment grâce à l’action de figures telles que le capitaine Mbaye Diagne — soldat sénégalais qui, engagé en tant que casque bleu dans la mission de l’ONU au Rwanda, a été salué comme un héros pour avoir sauvé des vies lors du génocide, pays de l’unité dans la tragédie comme dans le supplément de mémoire qu’il en reste.

Ce documentaire, dont la bande sonore originale a été composée par Cheikh Ndoye et dont le montage a été assuré par Laure Malécot, constitue une œuvre de mémoire profondément respectueuse. Il revient avec délicatesse sur la tragédie du génocide des Tutsis, perpétré entre avril et juillet 1994. Ce drame n’est pas une simple page d’histoire, mais une crise longtemps ancrée dans la mémoire collective, ses racines remontant à une date précise : le 1er novembre 1959, comme le rappelle l’écrivain et journaliste sénégalais Boubacar Boris Diop, auteur du roman Murambi, les livres des ossements publié en 2000. À travers ce film, divers témoins et victimes partagent leur vécu, permettant une relecture de cette période sombre de l’histoire rwandaise. Le projet est porté par Abdourahmane Ngaïdé, historien sénégalais d’origine mauritanienne, qui a conduit cette démarche. Vivant au Sénégal depuis 1989 suite aux événements malheureux en Mauritanie et au Sénégal, cet homme s’est investi dans une quête de compréhension et de sensibilisation sur la mémoire de cette tragédie. Son séjour au Rwanda lui a permis d’apprendre de ce pays en insistant sur la dimension de mémoire collective, mais aussi sur l’important travail de valorisation de l’humain, qui constitue le cœur de cette démarche. En somme, ce documentaire n’a pas seulement pour but de raconter la douleur, mais surtout de montrer la résilience rwandaise dans le souci de prévenir toute répétition : le pays a adopté un processus de mémoire et de reconstruction qui fait partie intégrante de son identité. Ejo Tey, la Téranga au pays des mille collines se veut donc aussi une exhortation pour l’Afrique elle-même à s’appuyer uniquement sur ses propres ressources, ses forces et sa capacité à se réconcilier avec elle-même.

L’un des témoins du documentaire évoque que, durant le génocide, seuls les casques bleus sénégalais et ghanéens sont restés pour assurer une présence sur le terrain, alors que d’autres nations ont choisi de rentrer chez elles, laissant toute la responsabilité au Rwanda. « Le film a permis de comprendre pourquoi ce qui s’est passé il y a une vingtaine d’années, dans une indifférence générale et à l’abri des regards du monde, résonne aujourd’hui avec une force encore plus grande dans toutes les consciences », a souligné Ibrahima Wane, professeur de littérature africaine à l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.

La collaboration entre le réalisateur Papa Alioune Dieng et Abdourahmane Ngaïdé, qualifié de « brillant historien et artiste hors norme », souligne la singularité du Rwanda dans sa réponse à cette « tragédie inouïe ». Wane explique que cette alliance met en lumière la nouvelle dynamique politique et économique qui anime le pays, souvent désigné comme le « pays des mille collines ». Il insiste également sur la manière dont cette œuvre révèle ce que le Rwanda partage avec d’autres pays africains, notamment le Sénégal et plus largement l’Afrique de l’Ouest, sur des plans à la fois historique, culturel et humain. Selon lui, ce duo de réalisateurs parvient à exprimer ce qu’on ne voit pas toujours : le pont invisible entre la tragédie, la résilience et la reconstruction, cette proximité presque invisible, ces liens profonds qui façonnent l’identité rwandaise et ouest-africaine.

En définitive, ce documentaire se veut une œuvre à la fois de mémoire, de responsabilité et de fierté, interpellant le public face à la nécessité de connaître, de comprendre et de ne pas oublier cette période noire, tout en inscrivant la voie de la réconciliation et du progrès pour demain.