Mamadou Abdoul Diop : Expert en modélisation de l’incertitude

30 juillet 2025

Mamadou Abdoul Diop, universitaire et chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), vient de recevoir le prestigieux prix Souleymane Niang 2025 en mathématiques, décerné par l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (Ansts). Il s’agit de l’une des distinctions scientifiques les plus valorisées dans le pays. Actuellement vice-recteur de l’UGB, le professeur Diop est honoré pour ses travaux portant sur « les systèmes dynamiques incertains », notamment les éléments liés à l’imprévisibilité dans la construction des modèles mathématiques, entre autres domaines.

Originaire de Louga, né en 1970, Mamadou Abdoul Diop, connu aussi sous le surnom « Ordi » dans ses cercles académiques, est un professeur de classe exceptionnelle spécialisé en mathématiques appliquées. Il a consacré une grande partie de sa carrière à la direction du Laboratoire d’analyse numérique et informatique (Lani) de l’UGB, qu’il a piloté pendant près de dix ans. Son engagement lui a permis de former des étudiants robustes, issus non seulement du Sénégal, mais aussi du Mali, de la Gambie, du Bénin et de plusieurs autres pays d’Afrique centrale.

Son parcours scientifique est également marqué par sa participation à plusieurs projets de grande envergure, notamment la conception du futur Institut de mathématiques du Sénégal. Membre de la première promotion d’étudiants de l’UGB, il a assisté à l’inauguration du campus de Sanar, qui portait alors en lui beaucoup d’espoir car il accueillait une importante promotion de jeunes brillants, notamment sous la direction de figures éminentes telles que le professeur Mary Teuw Niane, dans le domaine des mathématiques. La réputation d’excellence académique de l’université n’a jamais faibli depuis lors.

Il n’est pas surprenant que Mamadou Abdoul Diop, aujourd’hui vice-recteur, ait reçu cette reconnaissance, car c’est surtout à travers ses travaux de recherche qu’il se distingue. Son champ d’études porte sur des sujets difficiles mais avec des applications concrètes, à savoir les équations différentielles stochastiques et intégrodifférentielles. En termes simples, ces équations permettent de modéliser des phénomènes évolutifs dans un contexte d’incertitude. Par exemple, elles servent à représenter mathématiquement le comportement de systèmes où l’imprévu joue un rôle essentiel, comme dans les marchés financiers, la propagation des épidémies, les réseaux neuronaux ou encore les matériaux dits « à mémoire », tels que les tissus viscoélastiques, qui possèdent une mémoire historique.

Quand on parle de ces modèles “simples”, il faut comprendre qu’il s’agit d’un vocabulaire spécialisé destiné à ceux familiers avec la discipline. Contrairement aux équations classiques, les modèles que Mamadou Abdoul Diop explore intègrent intégralement l’aléa, c’est-à-dire l’effet du hasard, des perturbations imprévues ou des délais de réaction. Ces éléments apportent une dimension supplémentaire précieuse pour comprendre l’évolution de systèmes non seulement suivant leur comportement intérieur, mais aussi sous l’effet de facteurs extérieurs imprévisibles. « On ne se limite pas à étudier simplement l’état actuel d’un système ; on considère aussi son passé, ses surprises, ses retards — c’est ce qui change tout », précise-t-il dans ses notes de recherche.

L’art de maîtriser le chaos

Dans la pratique, la maîtrise de ces modèles s’avère particulièrement utile dans des secteurs comme la finance, où il est connu que les marchés sont difficiles à prévoir, souvent soumis à une multitude de facteurs tels que la géopolitique, l’état psychologique des investisseurs, des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement ou encore des conditions météorologiques capricieuses. En somme, poursuit-il, « les modèles classiques reposent sur l’hypothèse d’une certaine régularité du marché. Or, la réalité est bien plus chaotique », explique-t-il.

En suivant ses travaux, il apparaît que les équations différentielles stochastiques permettent d’introduire l’incertitude dans les probabilités et les prévisions, rendant les modèles plus représentatifs des phénomènes réels. Une part considérable de ses recherches se concentre sur la stabilité de ces systèmes dynamiques : dans quelles conditions, malgré des perturbations, un système finit-il par retrouver un état d’équilibre ? Peut-on agir sur certains paramètres pour contrôler ces phénomènes — éviter qu’une oscillation dangereuse ne se transforme en crise, ou qu’un système ne s’effondre soudainement ?

Le professeur Diop a notamment élaboré des modèles pour simuler la propagation de maladies infectieuses, notamment celles utilisées pour étudier le Covid-19. Il a également travaillé sur la modélisation de phénomènes complexes qui dépassent les simples mouvements aléatoires observés dans la nature classique. Parmi ses initiatives, figure la création d’une plateforme logicielle interdisciplinaire, actuellement en cours de développement en collaboration avec des informaticiens et des spécialistes en médecine, dont l’objectif est de simuler des systèmes dynamiques complexes, permettant d’améliorer la compréhension et la gestion de ces phénomènes.

Dans sa démarche, Mamadou Abdoul Diop, souvent capé de sa tête rasée et surnommé « boule à zéro » depuis ses années de lycée, n’oublie pas de rendre hommage à ses mentors. Il cite en premier lieu ses codirecteurs de thèse, Étienne Pardoux et Mary Teuw Niane, tout en évoquant également d’autres figures importantes telles que Galaye Dia, Gane Samb Lô et Aboubakry Diakhaby, qui ont tous contribué à tracer la voie de sa carrière scientifique et académique.