Mali : Joliba TV reprend sa diffusion sans autocensure après une suspension de six mois

6 juillet 2025

Au Mali, la chaîne de télévision privée Joliba Tv a repris ses émissions après une suspension de six mois, ce lundi 30 juin. La cessation de ses diffusions avait été décidée le 26 novembre 2024. La rédaction a consacré une période supplémentaire d’un mois pour préparer sereinement cette relance. La décision de la Haute autorité malienne de la communication (Hac) faisait suite à la diffusion d’un débat dans lequel la véracité d’un prétendu coup d’État déjoué au Burkina Faso avait été remise en question. Grâce à l’intervention de la profession, la chaîne a évité une interdiction totale. Joliba Tv est donc de retour à l’antenne, affichant de grandes ambitions, même si le climat actuel reste ardemment tendu. La chaîne a modernisé ses formats, revu ses décors et annoncé la diffusion de programmes inédits. Son objectif primordial demeure : « donner la parole aux citoyens » pour aborder leurs enjeux quotidiens, tout en mettant en lumière « la visibilité des régions, les défis qu’elles rencontrent, mais aussi les initiatives porteuses d’espoir et de changement », selon les déclarations d’un responsable de la station. La suspension qu’a subie Joliba Tv a été particulièrement douloureuse : ses finances ont été gravement affectées et sa rédaction, composée principalement de jeunes journalistes, en a été profondément impactée. Toutefois, la période de reconstruction est lancée : «Nous sommes motivés et heureux de reprendre l’antenne, pour continuer à informer», confie un dirigeant de la chaîne.

Restriction accrue des libertés publiques

Malgré cette relance, les journalistes ne cachent pas leurs inquiétudes face à la situation. Le contexte de restriction des libertés publiques, notamment celles d’expression et d’opinion, s’est encore durci ces dernières semaines. Les autorités ont dissous plusieurs partis politiques, tandis que des voix critiques ont été censurées ou éliminées par la Sécurité d’État, certains individus étant emprisonnés ou condamnés en justice. Les hommes politiques sont particulièrement ciblés : le dernier en date, Mamadou Traoré, président du parti Alternatives pour le Mali, a été condamné, le 19 juin, à une année de prison ferme pour « atteinte au crédit de l’État » en raison de propos critiques à l’encontre des autorités de transition. Par ailleurs, El Bachir Thiam, représentant du parti « Yelema », enlevé par la Sécurité d’État le 8 mai dernier, reste introuvable à ce jour. Les journalistes ne sont pas épargnés : en avril dernier, Alfousseini Togo, directeur de publication du journal Canard de la Venise, a été arrêté et poursuivi notamment pour « atteinte au crédit de l’État » après avoir contesté des déclarations du ministre de la Justice. Placé en liberté provisoire, il devra comparaître le 17 juillet.

Une prudence accrue dans le ton des médias

« Avec ces autorités de transition, il faudra peser chaque mot », reconnaît un journaliste influent de Joliba Tv, qui affirme néanmoins ne pas vouloir se censurer. « Il sera difficile de produire nos programmes comme avant, la principale difficulté sera la disponibilité des invités », exprime-t-il. Un autre salarié de la chaîne insiste : « Nous ne pratiquerons pas l’autocensure, mais nous voulons éviter les sanctions qui pourraient nous faire taire ou nous affaiblir. » Il ajoute : « Il faudra faire attention à chaque mot, tout en restant critiques, libres et fidèles à notre mission d’informer. » Rappelons que la suspension de Joliba Tv a été décidée par la Haute autorité de la communication (Hac) après qu’un invité avait mis en doute la véracité d’un supposé coup d’État déjoué au Burkina Faso. Ce dernier événement concerne un allié du Mali dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel (Aes). L’individu politique concerné, Issa Kaou N’Djim, a été condamné en décembre dernier à deux ans de prison, dont un ferme, et purge actuellement sa peine.

Rfi