Maada Bio remporte la présidence de la CEDEAO face à Diomaye

25 juin 2025

Amadou Hott possédait le profil idéal pour diriger la Banque Africaine de Développement (BAD), et pourtant il a échoué. De même, hier, la candidature de notre Président à la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a été lourdement compromise par celle du Président sierra-léonais Maada Bio. Deux défaites qui mettent en évidence les importantes lacunes de notre diplomatie.

En définitive, la diplomatie sénégalaise continue de traverser une période difficile. La défaite d’Amadou Hott à la tête de la BAD était largement prévisible, mais l’échec retentissant de Diomaye ne tardera pas à faire parler de lui dans les mois à venir. Alors que le siège récemment occupé par Bola Tinubu semblait promis à notre président, celui-ci a réussi l’exploit de le voir lui échapper de manière spectaculaire, arraché par le Président de la Sierra Leone, Julius Maada Bio. Il s’agit d’une première dans l’histoire diplomatique du pays !

Il convient aussi de rappeler que les rotations à la tête de la Cedeao se sont toujours déroulées selon un principe d’alternance linguistique. Le Cap-Vert, qui n’a jamais vraiment été impliqué dans la rivalité, n’était pas concerné par ces enjeux, et la compétition se situe principalement entre pays francophones et anglophones. Ce processus a été poussé par Embaló, président de la Guinée-Bissau, ainsi que par la pression amicale exercée par Macky Sall pour qu’en 2022, ce dernier hérite de la présidence de la Cedeao. Il était donc convenu qu’après Tinubu, un dirigeant francophone occupe cette fonction, et la géopolitique régionale favorisait la candidature de Diomaye.

En effet, suite à ce qu’on peut qualifier de « coup d’État constitutionnel » orchestré par Faure Gnassingbé à Lomé, descendant de Gnassingbé, ce dernier redoutait une réaction négative de ses pairs de la Cedeao. Pour anticiper cette éventualité, il n’a cessé de faire des gestes d’apaisement et de solliciter le soutien des autres membres de l’organisation. Par ailleurs, il cherche à positionner le port de Lomé comme un hub stratégique pour le commerce entre ses partenaires, afin de remplacer les principaux ports de Cotonou au Bénin et de Lagos au Nigeria. Il est important de souligner que les relations entre les militaires au pouvoir à Niamey et le président béninois Patrice Talon sont actuellement très tendues, ce qui a gravement perturbé les échanges commerciaux entre ces deux pays, notamment le pipeline qui transporte le pétrole nigérian vers le port de Cotonou. Confier la présidence de la Cedeao à Talon aurait risqué de braquer davantage les pays enclavés du Sahel et aurait compromis toute possibilité de réconciliation régionale, situation que personne ne souhaite voir se produire.

Quant à la Côte d’Ivoire, sa situation est également compliquée. Ouattara venait à peine d’avoir laissé la place à Tinubu lors du dernier sommet, et il est désormais empêtré dans ses propres querelles électorales, ce qui ne lui laisse pas beaucoup d’espace pour s’investir dans les affaires de la Cedeao. La voie semblaient donc toute tracée pour le président sénégalais. Or, c’est la suite qui a tout changé.

Mais alors, d’où vient cette erreur stratégique ? Il est impossible de ne pas constater la nouvelle défaite de notre diplomatie, ainsi que le manque de clairvoyance de notre responsable en charge des affaires diplomatiques. Comment le « gros calibre » de notre diplomatie n’a-t-il pas anticipé la possibilité qu’un coup de théâtre inattendu puisse survenir au dernier moment ? D’autant plus qu’échouer dans la conquête de la présidence de la BAD avec Amadou Hott était déjà un signe clair que le Sénégal perdait du terrain en diplomatie de proximité. Peut-on savoir pour qui Alassane Ouattara a voté cette fois-ci ? Il est difficile de croire que la diplomatie sierra-léonaise ait été plus dynamique que la nôtre, d’autant que, il y a seulement deux jours, personne ne prédisait la candidature de Julius Maada Bio à ce poste. Tout indique que des forces silencieuses, dans l’ombre, l’ont incité à se lancer dans cette compétition, probablement face à notre propre candidat. Peut-on parler d’un coup de poignard dans le dos ?