« L’amnistie tue nos espoirs ». Sous un ciel gris nuageux, complice d’une atmosphère morose et hésitante, Abdoulaye Wade, une petite tasse de « café touba » à la main, a les yeux rivés sur la mer de Camberene. Ce jeune homme d’une quarantaine d’années fixe l’horizon d’un regard perdu, la mélancolie se lit sur son visage. Il est clair que dans sa tête, d’amers souvenirs se bousculent. « Nous sommes au mois de mars, le 05 précisément, mon frère avait été tué le 8 de ce même mois en 2021 dans les manifestations ». C’est fait, le mot est lâché, on semble comprendre maintenant le pourquoi Abdoulaye Wade est dans cet état. Et bien que non ! « Je n’ai pas dormi toute la nuit, quand j’ai entendu que le projet de loi d’amnistie générale va atterrir à l’Assemblée nationale. Je me suis dis toute la nuit que là, c’est vraiment officiel, les autorités ne badinent pas, ils veulent vraiment nous forcer à oublier nos morts. Pour symboliser mon refus et mon indignation, je suis revenu ici au bord de la mer, où j’ai vu pour la dernière fois mon frère Cheikh Wade ». La promesse d’une justice jamais tenue En mars 2021, plusieurs villes du pays ont été touchées par des manifestations spontanées qui ont été brutalement réprimées par les forces de sécurité qui ont utilisé des tirs réels sur des manifestants qui faisaient valoir leur droit de se résister, protégé par la Constitution sénégalaise et le droit international. Selon Amnesty, il y a eu 590 blessés et 14 décès, dont Cheikh Wade, qui a été touché par une balle lors d’une manifestation à Dakar, le 8 mars 2021. Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux le montre allongé sur le sol après qu’un membre des forces de sécurité l’ait posé à terre et lui ait donné un coup. Ces manifestations font suite à l’arrestation de Ousmane Sonko, cité dans une affaire de viol sur la jeune masseuse Adji Sarr.