Ancien procureur spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), Alioune Ndao se livre rarement. Cependant, dans un entretien accordé à L’Observateur, ses paroles résonnent comme des révélations, offrant une profonde réflexion sur la criminalité en col blanc et les pratiques douteuses entourant la gestion des fonds publics.
L’une des affirmations marquantes d’Ousmane Sonko est la découverte d’un compte bancaire d’un responsable de l’ancien régime, contenant 1 000 milliards FCFA. Pour beaucoup de Sénégalais, cette information semble invraisemblable. Alioune Ndao réagit : « Quand on entre dans le domaine du possible, il est bien possible d’avoir 1 000 milliards FCFA dans un compte. Mais le vrai problème réside dans l’existence même de ce compte. Certains affirment qu’il existe, tandis que d’autres le réfutent, le considérant comme des propos de campagne. En tant que magistrat, je suis habitué à attendre des preuves solides avant de me prononcer. »
Il poursuit en insistant sur la nécessité d’enquêtes pour faire la lumière sur cette situation : « Si c’est vrai, il est très probable qu’une enquête soit ouverte dans les prochains jours. Il est crucial de savoir si le compte est domicilié au Sénégal ou à l’étranger, et s’il se trouve dans l’une de nos banques. J’en doute cependant, car selon la loi sur le blanchiment, une banque ne doit pas accepter une somme aussi conséquente sans en faire part à la CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières). Si cette somme existe réellement, la banque aurait commis une faute, et ses responsables pourraient être soumis à des sanctions. »
Face à la question du modus operandi permettant à quelqu’un de détourner une telle somme, Alioune Ndao expose les différentes stratégies possibles : « Il existe de nombreuses méthodes, comme l’utilisation de sociétés fictives. Ces entreprises, souvent créées avec des prête-noms, se voient attribuer des marchés de l’État pour des milliards. J’ai personnellement traité des dossiers où nous avons découvert que le siège social d’une grande société n’était rien d’autre qu’une simple boutique en baraque. C’est ainsi que des fonds publics sont siphonnés au profit de ces sociétés écrans. »