Après le report de l’élection présidentielle, de nombreux candidats ont décrié une violation de la Constitution, une menace pour la démocratie. Certains ont même qualifié cela de coup d’État institutionnel. Face à ces enjeux politiques, les pertes financières dues au réaménagement du calendrier électoral pourraient sembler insignifiantes pour les équipes engagées dans la course à la présidence.
Quoi qu’il en soit, malgré les préjudices considérables subis ici et là, cette question est reléguée au second plan, voire ignorée. L’Observateur a examiné cette question dans son édition de ce vendredi, en se concentrant sur les candidats, mais aussi sur les concessionnaires automobiles, les imprimeries et les médias. Nous avons choisi de ne discuter que des cas des quatre prétendants à la succession de Macky Sall interrogés par le journal du Groupe Futurs Médias : Serigne Mboup, Déthié Fall, Khalifa Sall et Aly Ngouille Ndiaye.
La coalition soutenant la candidature de Serigne Mboup a déjà dépensé 180 millions de francs CFA uniquement pour l’achat de véhicules, selon Malang Faty, membre de l’équipe de campagne de l’homme d’affaires. Un 4X4 à 30 millions et une dizaine de pickups à 15 millions l’unité ont été achetés par le maire de Kaolack. « De plus », ajoute Faty, « nous avions déjà réservé des hôtels pour l’hébergement. Les impressions et les tee-shirts avaient déjà été réalisés. Les pertes sont estimées à plusieurs centaines de millions de francs CFA ».
Secrétaire exécutif du Parti Républicain pour le Progrès (PRP), El Hadji Alioune Camara révèle que pour la campagne de son candidat Déthié Fall, une vingtaine de voitures ont été louées. « Sans compter les casquettes, les prospectus, les affiches, les flyers et autres supports publicitaires. Nous avons entre nos mains plus de 50 mille tee-shirts. De plus, nous avons effectué des réservations pour l’hébergement un peu partout au Sénégal. Des acomptes avaient déjà été versés. (…) Les dépenses peuvent être estimées à plusieurs centaines de millions de francs CFA ».
Sans donner de détails, le responsable de la communication de la coalition de Khalifa Sall, Pape Konaré Diatta, informe que « ce sont des milliards qui ont été investis » par son camp. Il ajoute : « On s’était assurés d’avoir assez d’espaces publicitaires. Nous avons déjà fait le branding de nos véhicules. Nous avions aussi nos tee-shirts, casquettes, flyers. Tout avait déjà été livré au siège. Un réceptif hôtelier avait été réservé ».
Candidat de la coalition, Aly Ngouille Ndiaye révèle : « Nous avons loué 51 voitures et déjà fait le branding. Je les ai immobilisées depuis 15 jours. Pendant trois mois, nous avons effectué de nombreuses dépenses tant pour la logistique que les ressources humaines. Le parrainage coûte excessivement cher. C’est terrible. Aujourd’hui, entre le parrainage, le branding, la sérigraphie, la location de véhicules, j’ai perdu des centaines de millions de francs CFA. Tout le monde est lourdement endetté. Certains ont hypothéqué leurs biens. Des amis ont contribué. C’est difficile ».
Avec ces dépenses annulées à cause du report de l’élection présidentielle, l’ancien ministre de l’Agriculture n’exclut pas de réclamer un remboursement au Trésor public. « Il le faut. Nous ne pouvons pas perdre autant d’argent et rester ainsi, c’est impensable, » prévient le maire de Linguère.
Aly Ngouille Ndiaye va plus loin en remettant sur la table la question du financement des partis politiques. « Cela évitera que les gens ne se compromettent, justifie l’ancien ministre de l’Intérieur. Il faut qu’il y ait une ligne budgétaire dégagée pour les campagnes de la part de l’État ».