La lumière pourrait bientôt être faite sur l’affaire dite des «94 milliards FCFA» qui oppose l’ancien Directeur général des Domaines, Mamadou Mamour Diallo, à Ousmane Sonko, alors député, désormais Premier ministre. Selon l’avocat de Sonko, Me Khoureychi Bâ, le dossier est désormais entre les mains du parquet financier.
Comme dans un feuilleton à rebondissements, cette affaire a captivé l’attention du monde politico-judiciaire. Depuis six ans, les accusations et contre-accusations s’enchaînent. L’affaire, qui impliquerait Mamour Diallo selon Ousmane Sonko, concerne le titre foncier 1451/R, d’une superficie de 254 hectares (2,58 millions de mètres carrés), appartenant aux héritiers de feu Djily Mbaye. Après une bataille médiatique, les deux protagonistes se livrent aujourd’hui à un combat judiciaire. Malgré le changement de régime avec l’arrivée au pouvoir d’Ousmane Sonko en tant que Premier ministre, l’affaire semble toujours entourée de mystères. Accusé d’avoir longtemps protégé Mamour Diallo, le régime de Macky Sall est tombé, mais l’affaire ne fait plus les gros titres. Ce silence ne signifie toutefois pas que Sonko a abandonné son combat pour que la vérité éclate. La justice suit simplement son cours.
Selon Me Cheikh Khoureychi Bâ, «le dossier se trouve actuellement au niveau du procureur du nouveau pool judiciaire financier». Il ajoute : «Nous sommes informés au fur et à mesure des initiatives du procureur et du juge d’instruction. Ne soyez donc pas surpris de voir ce dossier évoluer.» Peut-on espérer une avancée judiciaire ? «Le dossier est bien là, au même titre que d’autres. Je ne connais pas l’ordre de traitement des dossiers, mais c’est une affaire sérieuse, avec des plaintes non résolues et des rapports déjà existants. Attendez-vous à des convocations, tant du plaignant que des personnes mises en cause», a précisé Me Bâ. Il assure que même le statut de Premier ministre de Sonko ne l’empêchera pas de répondre à une convocation pour témoigner, si cela s’avère nécessaire, avec l’autorisation du Président.
Du côté de Mamour Diallo, son avocat, Me El Hadj Diouf, affirme ne pas être informé de la transmission du dossier au pool judiciaire financier. «Mamour Diallo ne m’a pas encore saisi de cela», a-t-il déclaré. Cette affaire de corruption présumée a alimenté de nombreux débats publics. Après l’accusation de Sonko, l’Assemblée nationale avait mis en place une commission d’enquête parlementaire, qui avait conclu à l’innocence de Mamour Diallo. Selon la commission, «les recoupements effectués n’ont pas révélé de détournement de fonds publics». Une trentaine de personnes avaient été entendues, dont Mamour Diallo et l’ancien ministre du Budget, Birima Mangara. Ousmane Sonko, l’accusateur, n’avait cependant pas été auditionné. Par la suite, Mamour Diallo a déposé une plainte contre Sonko pour «diffamation et injures publiques».
La plainte de Sonko contre Mamour Diallo, Meïssa Ndiaye, Tahirou Sarr et X, pour escroquerie portant sur des deniers publics, faux, usage de faux et concussion, avait été classée sans suite par le Doyen des juges. Ce dernier avait estimé que Sonko ne pouvait justifier d’aucun préjudice personnel découlant des infractions alléguées. Cependant, l’affaire semble loin d’être terminée. Un rapport de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), publié le 17 avril 2024 à la demande du Président Bassirou Diomaye Faye en conseil des ministres, confirme les accusations de Sonko concernant le détournement présumé de 94 milliards FCFA dans l’affaire du titre foncier TF1451/R. Selon l’OFNAC, «les investigations ont permis de confirmer la quasi-totalité des griefs soulevés par Sonko», évoquant des manquements dans la procédure d’indemnisation qui auraient profité à certaines sociétés impliquées. Le rapport indique également que les faits relatés pourraient constituer des infractions telles que l’association de malfaiteurs, l’escroquerie et la tentative d’escroquerie portant sur des deniers publics.