Jafar Panahi porte la France aux Oscars, le régime iranien estimait le film sans valeur

7 octobre 2025

Le réalisateur iranien Jafar Panahi, lauréat à Cannes avec «Un simple accident» et dont la sortie est prévue ce mercredi 1er octobre, représentera la France à Hollywood.À quel point la Palme d’or du Festival de Cannes a-t-elle modifié votre situation face aux autorités iraniennes ?

Cette distinction, comme d’autres, facilite indubitablement la création de films dits underground, échappant au sceau du régime. C’est là l’enjeu: c’est ce qui donne de l’élan, qui pousse les jeunes réalisateurs à franchir le pas, à tourner sans autorisation et à s’exprimer librement.
Avez-vous eu vent d’une quelconque réaction du pouvoir iranien après cette Palme ?
Comme à chaque fois, leur réaction a été négative. Pour eux, le film n’avait aucune valeur. Ils s’appuient sur les rares critiques défavorables pour affirmer que personne, même à l’étranger, n’apprécie l’œuvre. Qu’il s’agirait en réalité d’un complot monté avec l’appui de la CIA ! Mais cela ne m’étonne pas, c’est systématique.
«Un simple accident» étant majoritairement financé par la France, il a été choisi pour représenter notre pays dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger. Quel symbole y voyez-vous ?
J’en suis évidemment fier, même si cela peut prêter à questionnement. Dans les pays autocratiques, le pouvoir essaie toujours de tout contrôler. Donc, je pense qu’il serait judicieux que les Oscars réfléchissent à un mode de désignation qui ne soit pas relié aux pays, aux gouvernements. C’est une sorte de dépendance. Même si je comprends que les films internationaux ne représentent qu’une infime partie du processus de vote aux Oscars. Regardez les grands festivals comme Cannes ou Venise : la sélection y est faite de manière totalement indépendante.
Beaucoup de films politiques font l’actualité en cette rentrée, «Oui» de Nadav Lapid sur Israël ou «La voix de Hind Rajab» de Kaouther Ben Hania sur Gaza, primé à la Mostra. Le cinéma est-il plus que jamais une voix de résistance ?
Ce n’est pas qu’une question de cinéma, car les réseaux sociaux ou d’autres moyens d’expression, dans leur instantanéité, aident aussi à défendre la liberté. Le cinéma, lui, prend du temps à se faire, mais reste dans l’Histoire. Cela montre surtout qu’il y a de plus en plus de pouvoirs répressifs, de pays sous pression. C’est quand même un signe de danger, non ?