Dans le cadre de l’exposition « Mélokaan », dont le vernissage a eu lieu vendredi dernier, l’artiste plasticien Taha Diakhaté propose une exploration de l’identit é féminine noire en dénonçant des pratiques de beauté qu’il juge artificielles et pas du tout naturelles.
Les femmes disposent de la liberté de se dépigmenter ou de porter des cheveux naturels. Elles peuvent le faire, mais Taha Diakhaté, artiste plasticien, n’y voit pas les choses sous le même angle et condamne ces pratiques qu’il juge en décalage avec les valeurs culturelles sénégalaises et africaines. À l’occasion du vernissage de son exposition, vendredi dernier, au Musée Théodore Monod de l’Ifan, il a livré un véritable plaidoyer contre ces usages. L’installation présente des cheveux naturels confinés, comme enfermés et cadenassés. « Je les ai enfermés, vous les avez vus », lance l’artiste, qui était accompagné de M. Kai Baldow, ambassadeur de l’Allemagne au Sénégal, et Kalidou Kassé, artiste plasticien et parrain de l’exposition.
« Ta conscience ne devrait pas te pousser à acheter des cheveux. Je me demande si la conscience est employée à bon escient. Parfois, il est profondément surprenant de voir quelqu’un changer sa couleur. Moi, en tant qu’artiste, cela m’interpelle », explique Taha Diakhaté, dont le vœu est de préserver la beauté africaine. « Ces deux installations revêtent une signification très symbolique pour moi, car cela fait plusieurs années que j’explore ce thème. L’homme est au centre de mon travail. Quand je parle de l’homme, je cherche à toucher sa conscience », poursuit-il. « Si l’on parle de la culture, elle englobe nos valeurs religieuses, morales et spirituelles. Cependant, ici, parler de culture, c’est souvent réduire cela à aller à Sorano ou au Grand théâtre pour une exposition. Ce n’est pas de la culture, mais de l’art. Il faut que les gens saisissent que la culture est un mot d’une profondeur philosophique », souligne-t-il.
Parrain de l’exposition, Kalidou Kassé, peintre, salue le travail à sa juste valeur. « Taha est sur sa trajectoire, il suit une logique cohérente depuis sa dernière exposition à la Galerie nationale d’art. En relisant quelques éléments que j’ai parcourus, j’ai senti qu’il s’interroge réellement sur son identité. Tout le monde sait ce que Mélokaan signifie, et nous évoluons dans un monde où tout est mélangé. Il est parfois utile de sortir les choses de leur contexte et de les présenter sans filtre au grand public, et c’est ce qu’il est en train de faire. Sa dernière exposition suivait une démarche similaire, avec une scénographie aboutie », remarque-t-il.
Daouda Dia, promoteur de l’événement, précise : « Cette exposition constitue la première du cadre du projet Yataal, en partenariat avec le Musée Théodore Monod, afin de promouvoir de jeunes artistes qui seront parfois soutenus par des artistes établis. Il faut vraiment que des grands accompagnent les jeunes pour les guider. C’est la première exposition de Taha Diakhaté, déjà connu à l’international, notamment en Allemagne où il a exposé à plusieurs reprises, mais aussi en Italie et en France », souligne-t-il.
Taha Diakhaté est un artiste plasticien sénégalais connu à l’international. Initié à la peinture par son oncle paternel, le peintre Mamadou Diakhaté, sa carrière s’est véritablement lancée dans les années 1990, période au cours de laquelle il a fréquenté l’École des Arts et côtoyé d’autres artistes pour affiner ses techniques et se perfectionner. En 2002, il a bénéficié d’une formation en Allemagne avec l’association Forum Kultur et Der Bogen, ce qui a enrichi son parcours artistique. L’exposition Mélokaan est visible au Musée Théodore Monod de la Place Soweto jusqu’au 7 septembre prochain.
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