Explorer au-delà des émotions dans l’affaire Sonko

5 juillet 2025

Réflexions sur la dualité entre sainteté et rébellion dans la politique sénégalaise

Une citation célèbre de Senghor affirme qu’au Sénégal, pour accéder à la présidence, il faut être à la fois un saint ou un héros. En imaginant une comparaison entre ces deux figures, il devient intéressant d’observer comment ces rôles se manifestent dans la réalité politique actuelle. À cet égard, le président Diomaye, à la fois doux, posé, poli, à l’écoute, apparaît comme une figure quasi saintesque. Son apparence, notamment avec sa barbiche et sa moustache, évoque presque un marabout, donnant l’image d’un homme pieux et serein. En revanche, Ousmane Sonko se caractérise comme le rebelle, la tempête incarnée, l’orage qui secoue la scène politique du pays. Parmi les propos tenus par le poète Amadou Lamine Sall il y a quelques mois lors de l’émission « À contre-courant » sur « L’As Tv », il soulignait que le Sénégal peut légitimement s’enorgueillir de posséder à la fois un héros et un saint à sa tête. Pourtant, une fois confrontés à la réalité du pouvoir, la question se pose : faut-il revenir sur cette vision senghorienne et inverser ces postures ?

Le rôle inattendu de Sonko dans le panorama politique

Il ne semble pas exagéré de dire qu’au cours des dernières années, Ousmane Sonko est devenu la figure centrale et la plus polarisante de la scène politique sénégalaise. Pour illustrer ce propos, on pourrait faire référence à l’analogie avec Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise, qui évoquait le « bruit » et la « fureur » qui entourent sa personne. Sonko, par son charisme et sa détermination, a même contribué, lors de l’élection présidentielle de 2024, à faire élire Bassirou Diomaye Faye, un candidat soutenu par son influence, à l’issue d’un scrutin âprement contesté. Toutefois, cette hégémonie, cette domination exercée par l’actuel Premier ministre, semble relativement limitée dans le contexte du pouvoir réel. En effet, ses nombreuses déclarations et interventions publiques sur la gestion de l’État suggèrent une tension sous-jacente avec la figure de son président, révélant ainsi un tandem complexe entre Diomaye-Faye et Sonko.

Le président Bassirou Diomaye Faye : un acteur autonome et difficile à réduire à une simple image

Derrière son apparence de « saint » et de « marabout », Bassirou Diomaye Faye ne s’inscrit pas comme un simple reflet des volontés de son Premier ministre, Ousmane Sonko. Ce dernier, d’ailleurs, ne manque pas de le faire comprendre à travers ses multiples déclarations. Récemment, lors d’un discours adressé aux ressortissants sénégalais en Chine, Sonko a affirmé : « Seul Dieu sait pourquoi je ne suis pas président de la République. Si j’étais président, beaucoup de ceux qui parlent et qui devaient se faire tout petits, se tairont ». Ces propos ont suscité la colère de l’opposition tout en révélant les limites du pouvoir que Sonko peut espérer exercer dans la gouvernance actuelle. Il apparaît que ses marges de manœuvre ne sont pas aussi étendues qu’il pourrait le souhaiter. Cette tension se manifeste aussi dans ses critiques régulières à l’encontre de la magistrature et de la justice, notamment après l’attaque dont ses militants ont été victimes à Saint-Louis lors des dernières élections législatives. Il avait alors lancé une phrase percutante à l’encontre de la présidence : « Su ñépp waxee danga baax, war nga xool sà bopp » (« Si tu parles, tu es bon, sinon regarde ton propre cas »). Cela montre que, malgré une certaine idée reçue selon laquelle il serait sans véritable influence dans le pays, le président Bassirou Diomaye Faye joue incontestablement un rôle clé, voire qu’il pourrait lui-même apparaître comme une figure rebelle, remettant en cause l’image conventionnelle du pouvoir.

Les dynamiques du pouvoir et les relations au sein de l’état

Les intermèdes et déclarations du Premier ministre vont dans le sens d’un constat : il ne possède pas une autorité totale sur la conduite du gouvernement. Certains évoquent même l’existence d’un conflit larvé entre le président de la République et son Premier ministre, mais ces propos semblent quelque peu exagérés. À ce jour, l’équilibre semble encore préservé, et les deux figures de l’État manifestent une forme de respect mutuel. Par conséquent, si l’on se fie à ses déclarations publiques, Ousmane Sonko demeure le leader incontesté du Pastef, mais il ne possède pas encore le contrôle absolu du jeu politique au sein du gouvernement. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour son projet politique ? Seul le temps pourra nous apporter des réponses. L’avenir nous dira si cette autonomie relative lui permettra de consolider davantage son influence ou s’il devra composer avec un pouvoir plus structuré et hiérarchisé autour d’autres figures dominantes.