Le président sénégalais Macky Sall, qui prend en février la tête de l’Union africaine (UA), doit pousser l’organisation à créer un climat continental favorable au déploiement de nouvelles infrastructures, comme il l’a fait au Sénégal. Cette approche, l’un des préalables au développement socio-économique du continent, repose sur une plus forte intégration économique sous-régionale et la recherche de partenariats équilibrés et diversifiés.
Les excellentes externalités positives du développement par les infrastructures
Sur le plan économique, la spécificité de la politique de Macky Sall au Sénégal est d’avoir largement orienté le pays vers un développement socio-économique accordant une large place aux infrastructures. Répondant ainsi aux organisations internationales et régionales, qui voient dans le manque d’infrastructures, notamment dans le domaine de la mobilité, l’un des facteurs bloquants au développement économique du continent. Exemple symbolique parmi tant d’autres : une dizaine d’heures sont nécessaires en poids lourd, pour relier Lomé (Togo) à Cotonou (Bénin), alors que la distance entre les deux villes n’est que de 150 kilomètres, du fait de la vétusté des routes.
L’orientation stratégique de Macky Sall dans ce domaine est largement positive. Citons pêle-mêle la mise en œuvre d’un plan de 2 500 kilomètres de routes destinées à désenclaver les régions agricoles et minières, ainsi que la remise à niveau des hubs de transports humains et de marchandises, comme l’aéroport Blaise Diagne ou encore le port de Dakar et ses satellites. Plus récemment, l’inauguration d’un TER joignant Dakar à Diamniado, véritable objet de fierté nationale, témoigne aussi de l’importance de la montée en gamme des modes de transport public.
Sécuriser les financements
Deux défis majeurs s’imposent au continent. D’abord, la lenteur de la concrétisation des projets. Selon l’un des rapports de référence, « Quality Infrastructure in 21st Century Africa », 30 à 40 ans peuvent être nécessaires entre la conception d’un projet et son déploiement effectif et opérationnel. Une temporalité pouvant, dans bien des cas, les rendre obsolètes en rapport à l’évolution des besoins des populations.
Ensuite, le financement de ces infrastructures, toujours largement porté par les États, qui invite à une plus forte mobilisation des acteurs privés d’une part et une approche équilibrée avec les partenaires internationaux, aspirant à limiter les risques de dépendance par la dette, notamment à l’égard de Pékin, comme l’a démontré la récente étude du Center for Global Development. Selon l’Union africaine, le déficit annuel de financement de l’Afrique en infrastructures serait compris entre 60 et 90 milliards de dollars. Sur ce point, l’Union africaine doit se constituer en puissance diplomatique unifiée pour défendre les intérêts du continent face aux partenaires internationaux européens, américains et surtout, chinois, imposer un ensemble de normes de bonnes conduites dans la conclusion des contrats sur l’ensemble du continent. Dans ce domaine, Macky Sall aura aussi la lourde tâche d’imposer des accords commerciaux à bénéfices partagés à l’ensemble des partenaires du continent, qu’ils soient européens ou chinois.
Renforcer l’intégration régionale
L’accélération de l’intégration régionale est l’autre point sur lequel l’Union africaine doit jouer un rôle clé dans la stratégie de développement des infrastructures. Qu’il s’agisse de transport ou de réseaux de télécommunication, les infrastructures doivent en effet se penser au prisme d’une approche éminemment régionale, fondée sur l’objectif de relier les points économiques névralgiques de distribution et de production du continent. Un outil précieux pour renforcer le commerce intra-africain, encore trop minoritaire -15 % des échanges commerciaux totaux du continent, contre 70 % pour l’UE ! – et rendant l’Afrique d’autant plus vulnérable aux crises économiques pouvant toucher les autres espaces économiques du monde.
Rien que dans le cadre du commerce transfrontalier, des travaux de recherche ont démontré qu’une augmentation de 1 % du stock d’infrastructures de transport et de télécommunication était corrélée à une hausse de 3 % des exportations vers d’autres pays africains. Un processus que Macky Sall doit fortement encourager, en positionnant prioritairement l’Union africaine sur les sujets les plus centraux de l’intégration, comme la zone de libre-échange continentale, le marché unique africain, l’intégration financière ou encore la mise en œuvre de normes réglementaires globales à l’ensemble du continent.
Yves Montenay. Docteur en géographie humaine, essayiste et président de l’Institut Culture, Économie et Géopolitique (ICEG). Dernier ouvrage : « La langue française, une arme d’équilibre de la mondialisation » (Éditions Les Belles Lettres)