Dans une publication déposée sur sa page professionnelle du réseau LinkedIn, Le Soleil, à titre d’illustration, intègre plusieurs visuels accompagnés d’une légende; l’un d’eux passe sous silence ce que nous observons, à hauteur d’observateur, comme les 18 mois de pause du premier des ministres depuis avril 2024. « J’avais simplement besoin d’un peu de repos, mais je reprendrai du service dès lundi prochain, [27 octobre 2025] », déclare Ousmane Sonko à celles et ceux, jeunes ou moins jeunes, qui attendent impatiemment de le voir, une fois encore, s’adonner à son sport favori lorsque le Mpox et la fièvre de la vallée du Rift, loin d’être invités, viennent s’inviter après avoir endeuillé à plusieurs reprises le Nord du pays. En proie à deux épidémies, le Sénégal, avec Diomaye et Sonko et une surtaxe de 1 % à la consommation, n’est donc pas uniquement en souffrance sur le plan financier et économique.
L’échec de la protection
La notion, polysémique, de prévention dans le domaine de la santé correspond, dans le pire des cas, à une réduction du nombre de nouveaux cas lorsque survient une pathologie dans une population. Dans le meilleur des scénarios, elle renvoie à des mesures qui visent à prévenir l’apparition même de la maladie. À titre d’exemple, « le suivi de la grossesse constitue une occasion de prévenir l’anémie, le tétanos néonatal, le paludisme et la transmission du VIH à l’enfant » (USAID/MCHIP, 2012).
Une action préventive est dite de « protection » lorsqu’elle se rapporte à la défense contre des agents ou des risques connus. Les épisodes de fièvre Ebola, extrêmement contagieux et mortels, signalés en Guinée forestière et à Conakry au cours du mois de mars 2014, représentaient des risques reconnus pour le Sénégal, pays voisin de la Guinée. Ainsi l’arrêté préfectoral ayant conduit à la fermeture des marchés hebdomadaires à Vélingara (dans le sud) et à Diaobé, fréquentés par des ressortissants des deux pays frontaliers, constituait une mesure de protection contre le virus Ebola prise par l’autorité compétente.
Concernant le Mpox et la fièvre de la vallée du Rift, l’action préventive de protection s’est soldée — comme le démontre le plus récent communiqué du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique dont nous disposons — par un échec.
Point de situation sur les épidémies de Mpox et de Fièvre de la Vallée du Rift (FVR)
Le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique (MSHP) fait le point sur l’évolution des épidémies de la Fièvre de la Vallée du Rift (FVR) et de la Mpox, à la date du 22 octobre 2025.
1- Fièvre de la Vallée du Rift (FVR)
Depuis le début de l’épidémie, le Sénégal a enregistré 287 cas confirmés, dont 25 décès et 226 guérisons. La répartition des cas positifs est la suivante :
Région de Saint-Louis : 244 cas • District Saint-Louis : 71 cas • District Richard-Toll : 125 cas • District Podor : 18 cas • District Pété : 7 cas • District Dagana : 23 cas
Région de Louga : 16 cas • District Linguère : 8 cas • District Keur Momar Sarr : 4 cas • District Sakal : 2 cas • District Dahra : 2 cas
Région de Dakar : 2 cas • District Keur Massar : 1 cas • District Sangalkam 1 cas
2- Mpox
Région de Matam : 13 cas • District Thilogne : 8 cas • District Kanel : 2 cas • District Ranérou : 1 cas • District Matam : 2 cas
Région de Fatick : 9 cas • District Fatick : 3 cas • District Diofior : 6 cas
Région de Kaolack : 3 cas • District Nioro : 1 cas • District Kaolack : 2 cas
Depuis la confirmation du premier cas le 22 août 2025, 7 cas confirmés et 2 cas probables ont été enregistrés, tous localisés dans la région de Dakar. Huit (8) personnes sont guéries et aucun décès n’a été signalé. À ce jour, 30 personnes contacts sont actuellement suivies.
Le ministère appelle les populations à faire preuve de vigilance, à respecter scrupuleusement les mesures de prévention, et à collaborer activement avec les agents de santé et les relais communautaires pour contenir ces épidémies.
Et si 2020 inspirait 2025
Dès le mois de mars 2020, à l’apparition du premier cas de coronavirus, le gouvernement sénégalais publiait quotidiennement, par l’intermédiaire d’un communiqué du ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS), les chiffres de l’épidémie. Ledit communiqué, accessible sur le site du ministère, présentait — situation du vendredi 28 août 2020 —, de manière générale, ce qui suit :
Ce vendredi 28 août 2020, le ministère de la Santé et de l’Action sociale a reçu les résultats des examens virologiques ci-après :
Sur 1250 tests réalisés, 90 se sont révélés positifs, soit un taux de positivité de 7,20 %. Les cas positifs se répartissent comme suit :
– 50 cas contacts suivis par nos services ;
– 40 cas issus de la transmission communautaire répartis entre :
Kédougou (7), Bignona (3), Kaolack (3), Ziguinchor (3), Guédiawaye (2),
Ouakam (2), Plateau (2), Popenguine (2), Saint-Louis (2), Thiés (2), Fann Résidence (1), Keur Massar (1), Liberté-5 (1), Louga (1), Maristes (1), Mbao (1), Médina (1), Nord Foire (1), Ouagou-Niayes (1), Pikine (l), Richard-Toll(1) et Tivaouane (1) ;
– 117 patients hospitalisés ont été contrôlés négatifs et déclarés guéris ;
– 44 cas graves sont pris en charge dans les services de réanimation ;
– 2 décès ont été enregistrés ce jeudi 27 août 2020 ;
– L’état de santé des autres patients hospitalisés est stable.
A ce jour, 13384 cas ont été déclarés positifs dont 9091 guéris, 279 décédés et donc 4013 sous traitement.
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale exhorte les populations au respect strict des mesures de prévention collective et individuelle.
Le nombre de personnes, arrachées à l’affection de leurs proches et au pays tout entier et pour lesquelles nous avons une pensée pieuse, attire, évidemment, hier comme aujourd’hui, notre attention avant toute autre considération. Viennent, respectivement en deuxième et troisième position, les cas graves et les autres patients hospitalisés. Ce n’est qu’après cela que nos préoccupations de recherche s’imposent à nous à la lecture des communiqués comme celui rappelé.
Peu avant la mi-mars, chaque communiqué, selon ce modèle devenu classique, montre la façon dont le nombre de cas communicants se répartit dans la région de Dakar et dans les autres parties du pays. La tentation est donc grande pour le chercheur de dresser un tableau récapitulatif sur une période suffisamment longue et de concentrer prioritairement son investigation sur ces cas. Pour n’avoir jamais été mis en cause par les professionnels de la santé, le format du communiqué parut donc satisfaisant. Pour notre part, les choses — nous y avions consacré beaucoup de temps de travail bénévole — étaient bien moins simples. Une chose est sûre, la disponibilité, au quotidien, du communiqué fut un acquis dont tout chercheur pouvait se satisfaire.
Dans le communiqué du vendredi 28 août 2020 — comme pour tous les communiqués qui l’ont précédé et pour ceux qui ont suivi — les « cas contacts » mentionnés sont suivis par les services du MSAS. Pour ces cas, la source bien connue de contamination permettait d’établir un lien épidémiologique répondant à l’énigme essentielle : « Qui a le coronavirus, quand, où et pourquoi ? » L’impossibilité d’établir un tel lien pour les cas communautaires signifiait que les personnes malades avaient contracté le virus à partir d’une source inconnue et que celui-ci se propageait d’une personne à l’autre dans la communauté concernée. Corrélée avec l’augmentation exponentielle du nombre d’infections, l’apparition de cas communautaires devenait d’un intérêt certain pour la recherche. Ainsi l’analyse visait-elle à percer le mystère s’il existait.
La propagation du virus au sein d’une communauté donnée signifie que les conditions dans lesquelles une reprise marquée de l’activité du virus se profile ou s’impose sont réunies ou presque. Théoriquement, cela était le cas au Sénégal au mois d’août 2020, puisque toutes les mesures d’interdiction de la circulation et des rassemblements (état d’urgence, couvre-feu, déplacements sur de longues distances, etc.) visant à freiner une circulation excessive de l’agent pathogène avaient été levées par le gouvernement à cette date et que le relâchement général observé dans tous les milieux socioprofessionnels s’était accentué à la même occasion en raison des préparatifs pour la grande fête musulmane du sacrifice.
Le rappel ci‑dessous donne une idée de la manière dont mars 2020 peut inspirer octobre 2025. Premièrement, contrairement au MSAS de 2020, le MSHP d’octobre 2025 ne mentionne pas, dans son communiqué du 22 octobre 2025, le nombre de tests réalisés, le nombre de tests positifs et le taux de positivité correspondant. Deuxièmement, si le Premier ministre maintenait le Téra Meeting du 8 novembre 2025, il agirait exactement comme lors du jour où, en dépit du couvre-feu lié à l’épidémie de Covid-19, il devint un vecteur, pour ses partisans d’abord et pour l’ensemble de la société ensuite, d’un agent pathogène redoutable. Hier, le coronavirus. Aujourd’hui, le Mpox et la fièvre de la vallée du Rift qui pourraient faire irruption lors du Téra Meeting du 8 novembre 2025.
Épidémiologie politique
L’épidémiologie est la discipline qui étudie les déterminants et les causes des maladies au sein des populations. Elle s’intéresse, par conséquent, à l’état de santé des populations plutôt qu’à la santé des individus, qui est l’objet de la médecine clinique.
Faire de l’épidémiologie consiste à estimer le risque d’être ou de tomber malade, ainsi que son éventuelle augmentation, en fonction de facteurs tels que nos gènes, nos habitudes, notre cadre de vie, etc.
L’épidémiologie politique est, quant à elle, l’ensemble des mécanismes politiques et administratifs qui entourent l’exploitation des données issues d’études épidémiologiques. En l’absence de telles recherches et de l’usage des données enregistrées, les processus politiques et administratifs, encore à l’état embryonnaire, suffisent à dissuader le chef du gouvernement de préparer une démonstration de force dont le résultat serait une aggravation de la morbidité dans une société déjà affaiblie par une pauvreté tenace. Celle-ci s’est aggravée avec l’arrêt du versement des bourses de sécurité familiale qui, en contrepartie des paiements enregistrés dans le Registre national unique (RNU), encourageaient les milieux défavorisés à déclarer les naissances, à vacciner les enfants et à les inscrire à l’école maternelle, puis à l’école coranique et, ensuite, à l’école primaire en langue française ou franco-arabe selon le choix souverain des parents.