La mission conduite par Edward Gemayel s’achève ce 4 novembre sur un bilan qualifié de « constructif et transparent » par les deux parties. Face à une dette réévaluée à 132% du Produit Intérieur Brut, Dakar privilégie un programme sans décaissement destiné à restaurer sa crédibilité auprès des partenaires internationaux, tout en misant sur les perspectives de croissance liées à l’exploitation du pétrole et du gaz.
Une semaine d’intenses négociations se conclut ce mardi 4 novembre 2025 dans la capitale sénégalaise. La mission du Fonds Monétaire International, menée par Edward Gemayel, représentant permanent de l’institution à Dakar, a conduit des échanges approfondis avec les autorités économiques, marquant une étape majeure dans la gestion des finances publiques. Le climat des discussions, décrit comme « constructif et transparent » par les acteurs concernés, traduit une volonté partagée de surmonter la crise de confiance déclenchée par les révélations sur l’endettement réel du pays.
L’originalité de l’accord en cours de finalisation réside dans sa nature même, à savoir un programme dépourvu de décaissement financier. Cette configuration particulière répond à une exigence précise.
Dans un contexte où la dette publique atteint 132% du PIB, situant le Sénégal parmi les nations africaines les plus endettées, l’objectif n’est pas d’obtenir de nouvelles ressources, mais plutôt de reconquérir la confiance érodée des partenaires internationaux et des marchés financiers, conformément à la logique et à la cohérence affichées par les tenants du pouvoir depuis leur accession au pouvoir. Cette signature revêt ainsi une valeur essentiellement symbolique, constituant un signal de bonne gouvernance et de transparence destiné à rassurer les bailleurs bilatéraux et multilatéraux. La récente dégradation de la note souveraine du Sénégal par Moody’s, ramenée à Caa1, a mis en lumière l’urgence de restaurer la crédibilité du pays sur la scène financière internationale.
Un triptyque de réformes structurelles
Les ministres des Finances et du Budget, Cheikh Diba, et de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, ont réaffirmé la détermination du gouvernement à mener un programme ambitieux de réformes structurelles. Cette feuille de route repose sur trois axes centraux : optimiser la mobilisation des ressources intérieures, rationaliser les dépenses publiques et procéder de manière progressive à la révision du système de subventions énergétiques qui pèse fortement sur les équilibres budgétaires. Ces orientations témoignent d’une volonté de purger les finances publiques tout en préservant les acquis sociaux. L’équilibre recherché entre rigueur budgétaire et maintien de la cohésion sociale représente l’un des défis majeurs auxquels le gouvernement sera confronté dans les mois à venir. Les projections indiquent que le service de la dette s’élèvera à 5 490 milliards de francs CFA en 2026, 4 410 milliards en 2027 et 4 970 milliards en 2028, soit une augmentation substantielle de plus de 3 200 milliards au cours des trois exercices budgétaires.
Des perspectives économiques encourageantes
Malgré un contexte budgétaire extrêmement contraignant, les autorités sénégalaises demeurent optimistes, avec une confiance mesurée dans les perspectives économiques du pays. La montée attendue de la production pétrolière et gazière, associée à une stratégie de diversification économique, devrait insuffler une dynamique de croissance notable à partir de 2026.
Le ministre en charge du Budget a présenté un profil de croissance prometteur, malgré l’ajustement budgétaire rigoureux prévu pour la période 2025-2026. Cette projection repose sur la valorisation progressive des ressources en hydrocarbures découvertes au large des côtes sénégalaises, susceptibles de transformer en profondeur le paysage des recettes publiques.
Sous ce prisme, le FMI a salué la résilience du modèle économique sénégalais ainsi que l’engagement des autorités à renforcer la transparence et la fiabilité des statistiques publiques. Cette reconnaissance intervient alors que la crédibilité des données économiques officielles avait été compromise par les révélations sur les « dettes cachées » de l’ancienne administration.
La soutenabilité de la dette demeure une question centrale dans les discussions. L’analyse que le FMI doit produire déterminera si le Sénégal conserve sa capacité d’emprunt sur les marchés internationaux ou s’il devra envisager des options plus contraignantes, telles qu’un reprofilage ou une restructuration de ses engagements financiers. Cette évaluation est cruciale pour l’accès futur du pays aux financements internationaux.
Des enjeux déterminants pour l’avenir
Les conclusions officielles de la mission, attendues ce 4 novembre, dessineront le cadre macroéconomique et les orientations de la politique budgétaire pour les années à venir. Au-delà de l’accord avec le FMI, toute l’architecture du financement du développement sénégalais est en jeu. Les partenaires bilatéraux et les institutions multilatérales conditionnent généralement leurs interventions à l’existence d’un programme validé par le Fonds. Cette collaboration entre Dakar et l’institution de Bretton Woods s’inscrit néanmoins dans une logique de responsabilité et de confiance mutuelle. Le Sénégal affirme ainsi sa volonté de conjuguer discipline budgétaire, bonne gouvernance et ambition de développement durable, tout en réaffirmant sa position sur l’échiquier financier international. Toutefois, le succès de cette stratégie dépendra de la capacité du gouvernement à honorer ses engagements de rigueur et de transparence, tout en préservant la stabilité sociale et en valorisant le potentiel économique du pays. Les mois à venir seront déterminants pour évaluer l’efficacité de cette approche et mesurer la reconquête progressive de la confiance des marchés et des partenaires internationaux.