Controverse sur la dette du Sénégal : l’appel à la raison de Talla Sylla

25 octobre 2025

Talla Sylla, président de Jëf-jël/Jàmm ak naatange, considère que la controverse autour d’une prétendue «dette cachée» du Sénégal «a suffisamment duré». Il remarque que «née sur le terrain politique, elle a dangereusement glissé vers une arène technico-financière où les approximations et les contradictions menacent aujourd’hui la crédibilité de notre Nation et, plus grave encore, le bien-être des Sénégalais».

L’ancien ministre-conseiller du Président Macky Sall ne veut pas rallumer les querelles, mais Talla Sylla juge indispensable de «ramener le débat à l’essentiel : la sauvegarde des intérêts supérieurs du Sénégal». En évoquant la question de la «dette cachée» largement répandue parmi les nouvelles autorités, l’ancien maire de Thiès estime qu’il faut répondre à des questions fondamentales : «Une dette a-t-elle été cachée ? Si oui, par qui, avec la complicité de qui, dissimulée à qui, et pourquoi ?» Pour Talla Sylla, au cœur de cette tempête, il ne s’agit pas de la découverte d’emprunts clandestins, mais d’un changement de méthodologie comptable. Il faut rappeler que cette controverse est née de la décision du nouveau gouvernement d’intégrer la dette des entreprises du secteur parapublic (sociétés nationales, agences) à la dette globale de l’État. Cette pratique, qui rompt avec celle de toutes les administrations précédentes, a mécaniquement gonflé le ratio d’endettement, donnant lieu à l’accusation de «misreporting» (erreur de déclaration) par le FMI. Cependant, dit-il, parler de «dette cachée» est un abus de langage. Et il se demande : «Comment peut-on cacher une dette que l’on honore ?» Il rappelle que le Sénégal a toujours été un élève modèle, respectant scrupuleusement ses échéances auprès de créanciers bilatéraux et multilatéraux, qui n’ont jamais signalé le moindre défaut de paiement. Une dette se rembourse, et ces remboursements figuraient en bonne place dans les lois de finances successives, constituant l’un des premiers postes de dépenses de l’État, comme il le souligne. Ces fonds ont servi à financer des infrastructures visibles et structurantes : autoroutes, ponts, aéroports, stades, nouvelle ville, qui constituent un héritage tangible, que l’on approuve ou non leur pertinence stratégique.

La crédibilité de l’Etat et de ses serviteurs en jeu
Talla Sylla poursuit : «Plus inquiétant encore, cette polémique jette un discrédit inacceptable sur l’ensemble de notre haute Administration. Si une dette cachée existait, cela signifierait que les plus hauts organes de contrôle de l’État, qui ont validé les comptes publics année après année, auraient été soit complices, soit incompétents. Cela voudrait dire que les brillants esprits du ministère des Finances, du Trésor, de la BCEAO et de l’ANSD, reconnus pour leur rigueur, seraient des faussaires.» Selon lui, «le paradoxe est saisissant : plusieurs de ces hauts fonctionnaires sont aujourd’hui maintenus à des postes-clés, voire promus au sein du nouveau gouvernement. Comment peut-on leur faire confiance pour gérer le pays aujourd’hui si l’on suggère qu’ils ont contribué à falsifier ses comptes hier ?» Cette contradiction insoluble affaiblit l’État et sape la confiance des citoyens envers ceux qui le servent. Au nom du droit à l’information, il est temps que la transparence s’impose par la publication des rapports pertinents et, surtout, par un tableau clair et détaillé de ces fameuses dettes prétendument dissimulées. L’absence de cette preuve factuelle nourrit le scepticisme.» Sur ce registre, l’ancien maire de Thiès insiste sur le fait que l’absence de publication du rapport du Cabinet Mazars, commandité par les autorités actuelles et financé par l’argent public, pose une question lourde : que cherche-t-on réellement à dissimuler ?

Le paradoxe du Fmi : souverainisme ou soumission ?
Pour M. Sylla, autrefois accusé de complaisance, le FMI est aujourd’hui en position de rapprochement forcé. Cette posture ambiguë est pour le moins déroutante, affirme-t-il. «Un gouvernement qui a inscrit le souverainisme comme grande ligne directrice ne peut, sans se contredire, décrier une institution un jour et la solliciter le lendemain.» Cette cacophonie au sommet de l’État envoie un signal d’instabilité à nos partenaires financiers et affaiblit notre capacité de négociation, affirme-t-il. «La conséquence directe et dramatique de cette saga, c’est que le Sénégal se retrouve acculé. En créant nous-mêmes une crise de confiance, nous avons donné au FMI un levier inattendu pour faire accepter ses conditions. Le programme qui se dessine, mentionné par le directeur du Département Afrique du Fonds, s’annonce comme une cure d’austérité sévère : réformes structurelles, suppression des subventions sur les produits essentiels, coupes dans les dépenses sociales. Le prix de cette polémique politique sera payé par les ménages les plus pauvres et par le monde rural, premières victimes d’un ajustement budgétaire que nous avons nous-mêmes provoqué.»